La philanthropie transnationale, une affaire de gros sous

Le mot de la FGM, août 2022

En 2022, selon la Banque mondiale, environ 630 milliards de dollars américains[1] seront transférés vers leurs pays d’origine par les membres des diasporas correspondantes établies ailleurs sur la planète. Si cette estimation tient, ce cumul international aura bondi de plus de 30 %, uniquement depuis 2018. Au Canada, cette année-là, ces transferts monétaires totalisaient près de 25 G$, soit plus de cinq fois plus que toute l’aide internationale versée par le Canada à l’étranger[2].

En fait, en termes de flux financiers vers d’autres pays, le Canada se situe respectivement au 3^e rang (en dollars) et au 4^e rang (en part du revenu national brut) du classement mondial. En soi, il s’agit donc d’une activité économique substantielle et à grand impact. Et pour les pays bénéficiaires de ces transferts, il s’agit souvent d’une part essentielle de leur PIB. En 2022,  54 % de l’économie libanaise sera soutenue par des virements venus de l’étranger, selon la Banque mondiale. Ailleurs, en Asie centrale et en Afrique subsaharienne notamment, ces proportions peuvent atteindre le quart du PIB, voire le tiers[3].

Bien sûr, l’essentiel de ces montants est destiné aux familles et aux proches des personnes émigrantes. Ils permettent de bonifier leurs revenus et de mieux subvenir à leurs besoins personnels. Il s’agit néanmoins d’une forme de philanthropie transnationale, qui finance indirectement les services de santé, d’éducation ou encore de développement social et communautaire des pays récipiendaires. Ultimement, cet argent sert notamment à répondre à une multitude d’enjeux collectifs, tant locaux que globaux.

Une culture du don en évolution

Selon plusieurs chercheurs, ces flux financiers – qui reproduisent les flux migratoires internationaux – continueront de croître de façon soutenue. Les nouvelles technologies rendent ces échanges beaucoup plus faciles et moins chers qu’il y a quelques décennies à peine. Dans la plupart des pays à revenu élevé où les diasporas sont établies, leur pouvoir d’achat et leur revenu disponible augmentent avec le temps. De nouvelles organisations et structures de philanthropie transnationale plus modernes voient également le jour. Souvent, c’est sous l’impulsion de jeunes et d’immigrant·e·s de 2^e génération, qui allient leur désir d’aider et leur savoir-faire avec la culture du don héritée de leurs parents et de leurs communautés d’appartenance.

On sait par ailleurs, grâce à un récent sondage réalisé par la firme Épisode, que les personnes immigrantes font des dons au Canada dans les mêmes proportions que les personnes non-immigrantes, et que leur don annuel moyen est même plus élevé[4]. Malgré cela, leurs contributions sont quand même souvent passées sous silence. Pourquoi?

Lisez la suite de ce billet, « Repenser la philanthropie au sein des communautés immigrantes racisées ».

Linda Tchombé
Directrice du développement philanthropique
Fondation du Grand Montréal

[1] Migration and Development Brief #36, World Bank Group, mai 2022.
[2] Global Philanthropy Tracker, Indiana University Lilly Family School of Philanthropy, 2020.
[3] Migration and Development Brief #36, World Bank Group, mai 2022.
[4] Mise au point philanthropique Québec, Épisode philanthropie & investissement communautaire, 2021.