Le mot de la FGM – février 2023

Le destin tragique de Fritznel Richard, à quelques jours de Noël, a remis en lumière la profonde vulnérabilité que vivent les personnes migrantes qui parviennent jusque chez nous. Abandonné par un passeur qui devait lui faire traverser la frontière américaine à pied, M. Richard est décédé au milieu d’une forte tempête de neige. Issu d’Haïti et établi ici depuis environ un an, il est vite devenu incapable de subvenir à ses besoins. Dans une ville comme Montréal, les loyers et le prix des aliments montent effectivement en flèche. M. Richard était d’ailleurs en attente du permis de travail qui lui aurait permis de gagner sa vie. Sans soutien et sans revenus suffisants, il a dû se résoudre à risquer sa vie, une fois de plus, dans l’espoir d’améliorer son sort et celui de sa famille. Ce choix déchirant l’a cette fois mené vers une mort cruelle.

Des besoins immenses

Cette grande vulnérabilité transparaît aussi dans les deux dernières éditions du rapport Signes vitaux du Grand Montréal de la FGM, qui portent respectivement sur la situation des femmes et des filles et celle du logement dans la région métropolitaine. Dans les deux cas, les données analysées ont confirmé que les personnes migrantes sont parmi les plus à risque. Plusieurs doivent faire face à de la discrimination menant vers la pauvreté et l’exclusion sociale. Leur risque de vivre des problèmes de santé mentale ou d’être victimes d’exploitation ou de violence est invariablement plus élevé que la moyenne. Elles sont aussi plus nombreuses à habiter un logement inabordable ou inadéquat. Dans certains cas, c’est même l’itinérance qui les attend. En effet, des refuges pour personnes en situation d’itinérance voient désormais des personnes migrantes cogner à leur porte. Certains y estiment que jusqu’à 10 % de la population itinérante de Montréal serait maintenant formée de personnes demandeuses d’asile ou sans-papiers. C’est inédit.

Les organismes communautaires du Grand Montréal prennent aussi la pleine mesure de la situation : l’arrivée croissante de ces personnes exerce une forte pression sur leurs ressources limitées et leur capacité à livrer leurs services. Au-delà du simple nombre, elle engendre un défi additionnel pour les bénévoles et le personnel de ces organismes. Souvent, ces équipes ne sont ni outillées ni formées pour venir en aide aux personnes qui vivent une telle détresse. Les obstacles culturels ou linguistiques peuvent rendre la communication plus difficile. Ceux et celles qui arrivent comprennent en outre encore mal les institutions et les codes sociaux qui sont les nôtres. La plupart ne connaissent pas non plus leurs droits en tant que personnes demandeuses d’asile, réfugiées ou sans-papiers. Quant aux organismes spécialisés dans l’accueil des personnes migrantes, ils ne suffisent plus à la tâche.

Une autre approche

Un peu partout dans le monde, l’instabilité politique, la grande pauvreté, les conflits armés et – de plus en plus, l’impact des changements climatiques – poussent des gens à se déraciner et à fuir vers nos frontières. Y dresser des murs plus hauts ou plus étanches est contraire aux valeurs d’humanisme, de générosité et de solidarité qui doivent nous guider. C’est aussi parfaitement futile. Considérant la gravité des multiples crises que fuient les personnes migrantes, au prix de tous les sacrifices et parfois au péril de leur vie, rien ne pourra véritablement les arrêter. Quoi qu’on en pense, elles continueront à parcourir le chemin jusque chez nous. Le choix qu’il nous reste, c’est de les marginaliser encore davantage, ou bien de les accueillir avec ouverture et compassion. Des boat people venus du Vietnam dans les années 1970 jusqu’aux personnes réfugiées issues d’Haïti ou de Syrie au tournant des années 2010, et plus récemment encore celles venues d’Ukraine, d’Iran ou d’ailleurs, le Québec a toujours réussi à accueillir ceux et celles qui ont dû tout quitter. Nous l’avons accompli avant, nous pouvons l’accomplir encore.

Tant bien que mal, notre milieu communautaire continue de répondre à cet appel. Poursuivez votre lecture pour connaître quelques exemples du travail essentiel que des organismes accomplissent chaque jour. Leurs efforts permettent d’offrir un peu de répit et de dignité à ceux et celles qui ont choisi le Québec pour reconstruire leur vie. Mais pour relever cet immense défi collectif, ces organismes auront besoin de renfort. Et les personnes migrantes auront besoin de toute notre bienveillance.

Karel Mayrand
Président-directeur général
Fondation du Grand Montréal

Une version remaniée de ce texte a été publiée dans La Presse la semaine dernière.

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